samedi 11 septembre 2010

L'école à Sumer


Par Maximilien LORMIER

A un moment où l’école, les professeurs et le système éducatif n’ont jamais été autant décriés et remis en cause, il est toujours intéressant de regarder ce que « eux avant nous » ont fait pour transmettre leurs savoirs. Aussi, il n’est pas de meilleur exemple que les Sumériens, « eux » qui ont eu la géniale invention d’inventer l’écriture. Ils inventèrent un système éducatif simple, porté par des professionnels qui enseignaient la magie des mots en imposant des exercices longs et harassants, mais qui avaient pour finalité de former une classe de lettrés, socialement élevée et qui ne serait pas en manque de travail. Tout ce discours tient en une seule question : comment était l’école au temps de Sumer ?

Ecriture et école :

L’un ne va pas sans l’autre. Le grand spécialiste des textes mésopotamiens S.N.Kramer insistait déjà sur ce point lorsqu’il écrivait dans son ouvrage L’Histoire commence à Sumer, « l’école est sortie tout droit de l’écriture ». Les plus anciennes traces de l’écriture nous proviennent de la cité d’Uruk dans le sud de l’Iraq actuel, qui correspondait à l’ancien pays de Sumer, et datent des environs 3200 av. notre ère. Les lettrés sumériens, des scribes, écrivaient alors sur des tablettes faites d’argile avec des pictogrammes ou idéogrammes, une écriture simpliste qui avait pour base un signe distinctif qui se rapportait à un objet ou un produit particulier. L’écriture eut comme support la tablette faite d’argile. Bien qu’humble à ses débuts, l’écriture évolua au fils des siècles, tout comme son système d’apprentissage. En effet, dans tous les lots de tablettes les plus anciennes de l’humanité que nous ayons retrouvés, certaines comportaient des listes de mots « pictographiques » à apprendre par cœur. Ces listes nous révèlent que les scribes qui participèrent à l’élaboration de l’écriture, inventèrent simultanément un moyen de transmettre leur savoir par l’intermédiaire de formations suivies et d’exercices ; autrement dit l’école, organisme voué à enseigner l’écriture, était née.

L’organisation de l’école :

- L’établissement

L’école était nommée « la maison des tablettes » et ce n’est qu’à partir de la seconde moitié du IIIe millénaire, alors que l’écriture en Mésopotamie était en phase de modernisation – c’est le passage du pictogramme au cunéiforme – que nous sommes en mesure de véridiquement discerner des bâtiments voués à l’enseignement dans la plupart des cités sumériennes. A Nippur, capitale religieuse, c’est un quartier entier où habitaient et travaillaient scribes et étudiants qui a été déterré. Les salles de classes étaient composées de plusieurs rangées de bancs en briques où pouvaient s’asseoir une à quatre personnes. L’absence de tables est expliquée par le fait que les élèves devaient travailler sur leurs genoux. A l’intérieur de cette salle devaient se trouver des étagères où étaient posées des tablettes d’argiles vierges prêtes à l ‘emploi, ainsi que des textes à étudier.

- Le corps enseignant

Les enseignants de l’époque n’avaient rien à envier à nos professeurs d’université. En effet, beaucoup vivaient de leur rente d’enseignant et consacraient leur vie entière à la transmission de leur savoir ainsi qu’à l’étude lors de leurs temps libres. A la tête de l‘établissement se trouvait le chef d’établissement, l’ummia – « le père de l’école » – qui était également enseignant. Celui-ci était assisté dans sa tâche par un professeur assistant – « le grand frère » – sûrement un ancien élève de l’école, qui avait pour rôle de contrôler la calligraphie des signes et de les faire réciter. Au sein des enseignants, on trouvait également des spécialistes comme « le chargé de dessin » (calligraphie, art plastique ?) et « le chargé du sumérien » (grammaire, conjugaison ?). Des surveillants ainsi qu’un très austère « chargé du fouet » encadraient les soubresauts des étudiants et assuraient la discipline de l’école.

- Les élèves

Les élèves semblent tous avoir été des enfants issus des rangs sociaux les plus élevés. Ils étaient fils de gouverneurs, diplomates, intendants ou riches commerçants. Les listes de noms d’élèves retrouvées ne font mention d’aucunes femmes, ni chez les élèves ni dans le corps enseignant, ce qui tend à prouver que les femmes n’avaient pas accès à l’enseignement. La vie que les élèves menaient pendant leur apprentissage était plutôt rude et contraignante. Dans les salles de classes, dès l’aube, ils suivaient leurs cours toute la journée jusqu’au coucher.

vendredi 9 juillet 2010

Le déluge... en Mésopotamie: Atrahasis et Utanapishtim, les Noé mésopotamiens. 4/4

Par Maximilien Lormier

A la recherche du Déluge à travers ses mythes.

Le récit du Déluge biblique n’avait jamais été véritablement remis en cause jusqu’à la découverte des tablettes provenant de Ninive. Une fois traduite par l’anglais Georges Smith à la fin du XIXe siècle, le déluge de l’épopée de Gilgamesh entraîna un grand bouleversement théologique auquel les instances religieuses ne s’attendaient pas. Devant toutes les questions qui se posaient, le Vatican préféra garder le silence. Aujourd’hui le débat semble avoir trouvé une issue. Bien d’autres récits de l’Ancien Testament se retrouvent dans l’univers mésopotamien comme les récits de la tour de Babel et le mélange des langues ; aussi il est évident que le Déluge de Yahvé soit un récit influencé par les déluges du dieu Enlil dans les histoires d’Atrahasis et d’Utanapishtim.

Les archéologues, rongés par le doute et espérant trouver des traces du Déluge, se ruèrent en Iraq pour trouver des stratigraphies corroborant les dires des différents mythes. C’est à Ur que Léonard Woolley rencontra au fond d’une profonde tranchée, une stratigraphie qui montrait les traces d’une grande inondation. Puis on en découvrit d’autres dans les cités de Kish, Uruk, Shuruppak ou encore Lagash. Chacun des archéologues les interprétèrent différemment, mais les datations concordèrent toutes aux alentours du début du IIIe millénaire. Cependant, il est formellement impossible d’affirmer que toutes ces traces viennent toutes du même phénomène, encore moins d’un déluge.

Comment interpréter le/les déluge(s) ?

Des hypothèses concernant le phénomène d’un ou de plusieurs déluges peuvent être formulées aujourd’hui. La recherche archéologique, topographique et géologique sur le terrain de l’Iraq actuel nous a appris à mieux connaître ce que fut le pays des grandes civilisations de Mésopotamie. Le nom de Mésopotamie, ou mesopotamia – « la terre entre deux fleuves » - a été donné par l’historien grec Polybe pour désigner cette étroite bande de terre qui coule entre et autour des fleuves du Tigre et de l’Euphrate. Ces fleuves, contrairement à l’Egypte qui est « un don du Nil », connaissaient des crues dévastatrices qui envahissaient toutes les terres agricoles ainsi que les villes et autres villages construits à proximité. C’est pourquoi, les hommes de cette région apprirent à domestiquer, bien difficilement, les caprices de ces deux fleuves en construisant, dès le IVe millénaire, de grands canaux et des barrages qui permettaient aux villes de s’approvisionner en eau tout en s’éloignant des fleuves. Malheureusement de grandes crues survenaient régulièrement et anéantissaient tout. Aussi les récits du déluge peuvent être interprétés comme le souvenir d’une crue si dévastatrice qu’elle resta dans toutes les mémoires avant d’être, au fil du temps, racontée sous forme de mythes. On peut également voir les récits des déluges d’Atrahasis ou d’Utanapishtim comme les souvenirs lointains où leurs ancêtres voyaient les fleuves dévaster leurs maisons et leurs récoltes.

Les observations sur le terrain des précipitations rarissimes mais dévastatrices, dans les couches archéologiques et dans la vie de chantier de tous les jours, amenèrent certains archéologues à élaborer une autre théorie, tout aussi crédible, à savoir la tombée régulière, dans des laps de temps plus ou moins long, de grandes précipitations de pluies. L’architecture mésopotamienne étant faite à base d’argile et de terre, les pluies lorsqu’elles étaient trop fortes devaient absolument tout détruire.

Aujourd’hui, les spécialistes du climat et les assyriologues s’interrogent sur le possible lien entre le fameux discours du Déluge et la fin de la dernière ère glaciaire – glaciation de würm – vers -10000 av. notre ère. Ainsi, la terre se réchauffant progressivement, l’eau serait montée envahissant tout le golfe persique, détruisant inexorablement les constructions humaines. Des recherches dans ce sens montrent que les villes d’Ur, Uruk et Lagash auraient même été entre le Ve et le début du IIIe millénaire des cités côtières, alors que les sites sont aujourd’hui au milieu du désert. Alors est-ce que la thèse du réchauffement climatique – très en vogue de nos jours – est crédible ? Peut-être, si l’on considère qu’un récit pouvait être transmis par oral de générations en générations pendant plusieurs millénaires, jusqu’à ce qu’il soit enfin retranscrit sur tablette. Des tribus nomades continuent aujourd’hui encore sur la base de l’oral à transmettre l’Histoire de leurs ancêtres. A titre d’exemple, c’est comme si aujourd’hui nous nous transmettions par oral pourquoi les hommes, qui vivaient dans le Morbihan il y a 4000-5000, ans avaient dressé les menhirs de Carnac.



Qu’il y ait eu un ou plusieurs déluges, il n’en reste pas moins que le récit de la Genèse a été très fortement inspiré par les deux œuvres mésopotamiennes, à savoir le Mythe d’Atrahasis et l’Epopée de Gilgamesh. Atrahasis et Utanapishtim sont les premiers Noé de l’histoire, du moins littéraire. Les ressemblances sont si frappantes entre les différents textes que la question de l’origine d’un tel déferlement d’histoires, semblables dans les différentes mythologies et religions du monde, posent le problème sur un autre débat : celui de la diffusion des mythes mésopotamiens dans le monde oriental et méditerranéen.





Annexes

Récit du Déluge dans la Genèse.
Dieu regarda la terre et la vit corrompue, car toute chair avait perverti sa conduite sur la terre. Dieu dit à Noé : « Pour moi la fin de toute chair est arrivée ! Car à cause des hommes la terre est remplie de violence, et je vais les détruire avec la terre (…)
Fais-toi une arche de bois résineux. Moi, je vais faire venir le Déluge c’est-à-dire les eaux sur la terre, pour détruire sous les cieux toute créature animée de vie (…)
Entre dans l’arche, toi, et avec toi, tes fils, ta femme, et les femmes de tes fils. De tout être vivant, de toute chair, tu introduiras un couple dans l’arche pour les faire survivre avec toi ; qu’il y ait un mâle et une femelle ! (…)
Sept jours passèrent et les eaux du Déluge submergèrent la terre. (…)
La pluie se déversa sur la terre pendant 40 jours et 40 nuits. (…)
L’arche reposa sur le mont Ararat. (…)
Il lâcha le corbeau qui s’envola, allant et revenant, jusqu’à ce que les eaux découvrent la terre ferme. Puis il lâcha la colombe (…) Mais la colombe ne trouva pas où poser la patte (…)
(Noé) lâcha à nouveau la colombe hors de l’arche. Sur le soir elle revint à lui, et voilà qu’elle avait au bec un frais rameau d’olivier ! Noé sut ainsi que les eaux avaient baissé sur la terre. Il attendit encore sept autres jours et lâcha la colombe qui ne revint plus vers lui.
Mythe d’Atrahasis.
Douze cents ans ne s’étaient pas écoulés
Que le territoire se trouva élargi et la population multipliée.
Comme un taureau, le pays tant donna de la voix
Que le dieu-souverain fut incommodé par le tapage.
« La rumeur des humains est devenue trop forte:
Je n’arrive plus à dormir, avec ce tapage !
Commandez donc que leur vienne l’Épidémie (…)
Et Enki, rouvrant la bouche,
S’adressa derechef aux dieux, ses frères :
« Pourquoi voulez-vous me lier d’un serment ?
Puis-je porter la main contre mes créatures ?
Et ce Déluge dont vous parlez,
Qu’est-ce que c’est ? Je l’ignore !
Est-ce à moi de le produire ? (…)

Jette à bas ta maison, pour te construire un bateau !
Détourne toi de tes biens,
Pour te sauver la vie !
Le bateau que tu dois construire (…)
Et, le Déluge déchaîné,
L’Anathème passa comme la guerre sur les hommes !
Personne ne voyait plus personne :
Nul n’était discernable dans ce carnage ! (…)
Le fracas du Déluge
Epouvantait même les dieux. (…)
Ainsi Nintu gémissait-elle,
Exhalant son émoi,
Et les dieux, avec elle, déploraient la terre.
Soûlée de désespoir,
La déesse avait soif de bière (…)
Il (Atrahasis) dispersa aux quatre-vents tout ce que portait le bateau,
Puis servit un repas-sacrificiel
Pour subvenir à la nourriture des dieux,
Et il leur fit une fumigation orodante.
Humant la bonne odeur, les dieux
S’attroupèrent autour du banquet, comme des mouches!

L’Epopée de Gilgamesh.
Utanapistim expliqua donc à Gilgamesh :
« Gilgamesh, je vais te révéler un mystère,
Je vais te confier un secret des dieux!(…)
C’est là que prit aux grands-dieux l’envie de provoquer le Déluge. (…)
Ô roi de uruppak, fils d’Ubar-Tutu,
Démolis ta maison pour te faire un bateau. (…)
Le bateau que tu dois fabriquer
Sera une construction équilatérale :
A largeur et longueur identiques. (…)
Le lendemain matin, tout ce que je possédais, je l’en chargeai :
Tout ce que j’avais d’argent,
Tout ce que j’avais d’or,
Tout ce que j’avais de spécimens d’êtres-vivants.
J’embarquai ma famille et ma maisonnée entières,
Ainsi que gros et petits animaux-sauvages, et tous les techniciens.(…)
Et [l’Anathème] passa comme la guerre sur les hommes.
Personne ne voyait plus personne.(…)
Les dieux étaient épouvantés par ce Déluge(…)
Six jours et sept nuits durant,
Bourrasques, pluies-battantes, ouragans et Déluge ne cessèrent de ravager la terre.
Le septième jour arrivé, Tempête, Déluge et hécatombe stoppèrent. (…)
C’était le mont Nimush, où le bateau accosta.(…)
Lorsque arriva le septième jour,
Je pris une colombe et la lâchai.
La colombe s’en fut, puis revint :
N’ayant rien vu où se poser, elle s’en retournait.
Puis je pris une hirondelle et la lâchai :
L’hirondelle s’en fut, puis revint :
N’ayant rien vu où se poser, elle s’en retournait.
Puis je pris un corbeau et le lâchai.
Le corbeau s’en fut, mais ayant trouvé le retrait des eaux,
Il picora, il croassa, il s’ébroua, mais ne s’en revint plus.(…)
Et, en retrait, (je) versai dans le brûle-parfums cymbo, cèdre et myrte.
Les dieux, humant l’odeur,
Humant la bonne odeur,
S’attroupèrent comme des mouches autour du sacrificateur ! (…)

lundi 5 avril 2010

Le déluge... en Mésopotamie: Atrahasis et Utanapishtim, les Noé mésopotamiens. 3/4

Par Maximilien Lormier

Utanapishtim, l’espoir de Gilgamesh.

Le roi d’Uruk est une légende dans la littérature mésopotamienne. Qu’il ait réellement existé ou pas, nous en sommes toujours aujourd’hui au stade des suppositions en ce qui concerne son existence, mais son épopée a traversé les frontières et les âges pour atteindre, depuis sa redécouverte au XIXe siècle de notre ère, une nouvelle forme d’éternité qu’elle avait perdu pendant ces deux derniers millénaires. Le roi, mi-dieu, mi-humain, fit face au dilemme le plus important de toute sa vie. Puissant, fort et respecté, Gilgamesh prit conscience de sa propre mortalité et donc de l’éphémère caractère de la vie, lorsque la déesse Ishtar, à qui il s’était refusé, assassina son ami Enkidu. Il abandonna alors sa ville et partit à la recherche du seul humain qui connaissait le secret de la vie éternelle, Utanapishtim – littéralement « j’ai trouvé ma vie » - qui vivait aux confins du monde. Après bien des mésaventures, Gilgamesh arriva enfin devant le vieux et sage Utanapishtim à qui il supplia de lui révéler le secret de la vie éternelle seulement réservée aux dieux. Bien qu’Utanapishtim lui recommanda de renoncer, il lui raconta comment les dieux le rendirent immortel.

Roi de la ville de Shuruppak, il fut prévenu par Ea, nom akkadien d’Enki, grâce à un message caché dans un roseau, de l’imminence d’un déluge qui allait anéantir toute l’humanité. Dans ce message Ea ordonnait à Utanapishtim d’abandonner sa maison et de construire un bateau – en forme de cube - et de s’y enfermer avec son épouse et un spécimen de chaque espèce vivante. Le bateau fut terminé en sept jours et comme on le lui avait ordonné, il s’y enferma, emmenant avec lui ses richesses, sa famille, les animaux et enfin tous les artisans de tous métiers. L’orage monta alors et la pluie commença à tomber. Le cataclysme dura six jours et sept nuits et fut d’une telle violence qu’il épouvanta les dieux eux-mêmes. Le vieux Utanapishtim raconta alors que tous les hommes étaient redevenus argile – leur matière d’origine - et que le silence prédominait. Le bateau accosta sur le mont Nimush (sans doute dans la chaine de montagne du Zagros) et Utanapishtim lâcha une colombe qui revint, puis une hirondelle qui finit par revenir elle aussi, et enfin un corbeau qui, lui, ne revint pas. Il ouvrit alors les portes du bateau et dispersa les animaux. Il offrit une offrande aux dieux affamés qui tournèrent autour comme des mouches. Les dieux décidèrent alors de ne plus jamais détruire l’humanité et offrirent à l’ancien roi de Shuruppak, ainsi qu’à son épouse, la vie éternelle. En échange, il devait quitter le monde où habitaient les hommes.

Gilgamesh n’obtiendra pas le secret de la vie éternelle et revint finalement à Uruk. Néanmoins son long voyage ne fut pas pour autant peu instructif. Ses pérégrinations lui avaient apporté la sagesse, et le texte raconte que c’est en bon berger qu’il revint à Uruk dont il allait faire une gigantesque et magnifique cité.

mardi 16 mars 2010

Le déluge... en Mésopotamie: Atrahasis et Utanapishtim, les Noé mésopotamiens. 2/4


Par Maximilien Lormier

Atrahasis, le favori d’Enki.

Le mythe d’Atrahasis raconte l’histoire de la création de l’homme et comment plusieurs fois les dieux voulurent le faire disparaître. La genèse de l’homme commence sur fond de révolution. Au commencement, les dieux étaient multiples et se composaient de deux catégories sociales : les puissants qui gouvernaient, restant oisifs et consommateurs, et les travailleurs qui produisaient la nourriture pour les puissants. Cependant, au bout d’un certain temps, peut-être plusieurs millénaires, cet ordre ne convenait plus et les dieux mineurs se révoltèrent, détruisirent leurs outils de labeurs, et assiégèrent les puissants dans leur forteresse. Les dieux puissants, pris au piège, furent contraints de se réunir, de tenir un conseil de crise et de prendre les décisions qui s’imposaient. Les idéaux de cette révolution triomphèrent, et il fut désormais admis que les dieux étaient à présent tous libres et égaux. Malheureusement se posait à présent le problème de la production de nourriture qu’il fallait produire pour nourrir cette population de dieux, plus nombreuse, gloutonne et vorace. Le dieu Enki, le plus rusé et le plus sage, eut la brillante idée de créer une race d’êtres inférieurs faite d’argile et de sang de dieux et qui aurait la même apparence que leurs créateurs. Ces êtres n’auraient pas le loisir de se révolter, puisque Enki eut l’idée d’introduire la mortalité en eux : l’homme (awilum) était né.

L’homme, mortel, n’eut pas le loisir de se révolter éternellement comme l’avait fait les anciens dieux. Aussi, satisfaits, les dieux les mirent au travail sur la terre, et récolte après récolte, ils alimentèrent leurs créateurs. Malheureusement, comme toute création, l’homme comportait des défauts qui devinrent bien vite insupportables pour les dieux et pour leur chef suprême, Enlil. En effet, les listes royales sumériennes retrouvées dans les sols brûlants des fouilles archéologiques en Iraq, révélèrent que les premiers rois de ces listes, avaient des vies longues de plusieurs centaines de milliers d’années. Les hommes se multipliaient très vite et malgré la mortalité, ils créaient un immense brouhaha assourdissant que les dieux décidèrent de stopper.

Par deux fois, le grand Enlil envoya de grands maux sur la race humaine dans le but de la détruire : une terrible épidémie d’abord puis plus tard, dans une seconde tentative, une sécheresse dévastatrice. Les hommes n’existeraient plus si Enki n’était pas intervenu. Pour sauver sa création, sans heurter les autres dieux, il alla trouver Atrahasis, littéralement « le super sage » qu’il en fit son dévot et un intermédiaire de sa parole. Pour stopper l’épidémie, Enki lui dit d’offrir à Enlil du namtar, une hypostase du destin. Enlil fut flatté et puis une fois rassasié, il suspendit son courroux. Les hommes furent sauvés de la sècheresse par Enki qui intervint directement, puisqu’il était le dieu des eaux.

On ne sait combien de temps s’écoula avant qu’Enlil reprit ses envies meurtrières. Cette fois, il allait une bonne fois pour toute en finir avec le vacarme sur terre en la noyant sous un gigantesque déluge. Il fit entériner sa décision par le conseil des dieux auquel Enki appartenait, pour ne souffrir d’aucunes contestations. Désemparé et tenu par son serment, Enki n’abandonna pourtant pas et alla trouver une fois de plus Atrahasis à qui il ordonna, par l’intermédiaire d’un message caché, de construire dans le plus grand secret un bateau hermétiquement clos et de s’y enfermer pendant le déluge. Atrahasis s’exécuta et emmena avec lui ses richesses, des animaux sauvages et domestiques ainsi qu’un grand nombre de volatiles. Finalement, Enlil fit pleuvoir son déluge et l’humanité entière fut recouverte par les eaux. Le désastre fut tel que les dieux eux-mêmes furent horrifiés du désastre. Le coût à payer pour ce massacre fut extrêmement lourd pour les dieux car Enlil, dans sa grande clairvoyance, n’avait pas anticipé que les dieux étaient nourris par les hommes, sans compter le remord et la famine qui les rongèrent bien assez vite. Atrahasis accosta, sortit et offrit une fumigation aux dieux qui se précipitèrent autour « comme des mouches ». Les dieux décidèrent en assemblée de certaines mesures pour éviter à l’avenir la surpopulation des hommes. Ils introduisirent l’infécondité, la mortalité infantile et des prêtresses à qui il serait interdit d’enfanter.

lundi 1 mars 2010

Le déluge... en Mésopotamie: Atrahasis et Utanapishtim, les Noé mésopotamiens. 1/4



Par Maximilien Lormier


Le récit du Déluge est un mythe répandu dans un grand nombre de cultures aux quatre coins du globe. Le plus célèbre d’entre eux, celui de la Genèse, est passé à la postérité grâce à la Bible. Cet épisode dramatique raconte comment Dieu usa d’un déluge cataclysmique pour laver la terre de l’impureté de sa création : l’homme. Néanmoins Dieu décida de récompenser de sa loyauté le brave Noé, en l’épargnant. Il lui ordonna de construire une arche répondant à des critères bien précis, et de s’y enfermer avec sa famille ainsi qu’avec un couple de chaque espèce animale. L’arche sauvegarderait toutes les espèces créées par Dieu sur terre pour un nouveau Commencement. Cependant, les découvertes archéologiques du XIXe siècle en Mésopotamie, et le déchiffrement des tablettes cunéiformes jetèrent un trouble dans l’étude des écrits bibliques. En effet, ils existaient des récits du Déluge très comparables à celui de la Bible, mais beaucoup plus anciens. Souvenirs ou fictions, voici les histoires, celles d’Atrahasis et d’Utanapishtim, les « Noé mésopotamiens ».


Deux mythes, mais quelles époques ?

Les récits d’Atrahasis et d’Utanapishtim nous sont parvenus par l’intermédiaire de deux œuvres littéraires majeures de l’Orient Ancien, le Mythe d’Atrahasis ou le Supersage pour le premier et l’Epopée de Gilgamesh pour le second. Les tablettes du Mythe d’Atrahasis remontent au moins au XVIIe siècle avant notre ère, tandis que celles nous narrant l’Epopée de Gilgamesh ont été retrouvées dans la très riche bibliothèque du grand roi assyrien Assurbanipal à Ninive, qui avait régné au milieu du VIIe siècle av. notre ère. Nul doute que ces deux œuvres, remarquables pour leur beauté ainsi que pour la force du message qu’elles véhiculaient, sont d’époques bien plus anciennes aux périodes de datations des tablettes. Concernant Gilgamesh, les traces du récit se perdent aux origines même de l’écriture, puisque l’on retrouve des tablettes racontant l’épopée écrites en langue sumérienne. De plus, ces mythes retracent les fondements des origines de la création de l’homme puis de peuples de Mésopotamie ; les traditions sumériennes (au sud) et akkadiennes (au nord) se rencontrant et se mélangeant pour donner naissance à des fabuleuses histoires dont Atrahasis et Utanapishtim furent des témoins privilégiés. Il est fort probable alors que ces mythes se soient d’abord transmis de génération en génération à l’oral, avant l’apparition de l’écriture vers 3200 av. notre ère.

(A suivre)

samedi 20 février 2010

Exposition Izis à l’Hôtel de Ville : si Paris m’était conté…

Par Géraldine Piriou*


Certains rêves n’ont pas de prix, la Mairie de Paris l’a bien compris en proposant l’exposition gratuite « Izis, Paris des rêves » jusqu’au 29 mai à l’Hôtel de Ville. Il ne s’agit pas d’une rétrospective dédiée à la déesse égyptienne presque éponyme, mais à Izraëlis Bidermanas, photographe modeste doté d’une sensibilité onirique exacerbée, et qui refusait la dénomination d’artiste. S’il est reconnu par la profession comme l’un des plus talentueux photographes humanistes, son nom demeure peu connu du grand public. Pourtant, dès 1951, le MoMa de New York le sélectionne avec Cartier-Bresson, Doisneau, Brassaï et Ronis pour l’exposition « Five French Photographers ». 30 ans après sa mort, Armelle Canitrot et son fils, Manuel Bidermanas, lui-même photographe, ont décidé, par cette rétrospective, de rendre à Izis ce qui lui revient et nous invitent à suivre les traces de ce jeune litvak, qui décida de fuir la misère de son pays pour rejoindre le « Paris des rêves », terre d’accueil des intellectuels et des impressionnistes.

Certains rêves accouchent dans un cauchemar. Né à Marijampole en 1911, il n’a que dix-neuf ans lorsqu’il quitte sa Lituanie natale, alors sous contrôle russe, afin d’échapper aux persécutions antisémites. Arrivé à Paris en 1930, c’est une France ravagée par la Grande Dépression qui l’accueille. Après trois années de galère et de débrouille, il se voit confier la gestion d’un studio de photographie dans le 13ème arrondissement. Mais la guerre arrive et il lui faut encore fuir, quitter Paris pour le Limousin. Immigré, exilé : ce sentiment apatride le poursuivra tout au long de son œuvre, perceptible en filigrane sur certains clichés. Comme un « no man’s land » identitaire.

Dans l’ombre et l’horreur de la guerre, l’artiste anticonformiste se révèle. Il regarde les maquisards débarquer avec admiration : « Voilà des gars qui ont combattu alors que, toi, tu es resté caché comme un rat. ». De ces héros de la guerre, il en fait des portraits, peu conventionnels. Alors que ceux-ci se présentent à son studio rasés de près, il leur demande de revenir quelques jours plus tard, hirsutes et débraillés, comme au sortir du maquis. Réalistes et bouleversantes, ces photographies d’une grande sincérité nous émeuvent encore un demi-siècle plus tard. C’est la magie d’Izis. On devine l’idéal de liberté auquel aspire le photographe et sa volonté de rompre avec les normes et les conventions de la photographie traditionnelle.

Intuitif, il « appuie sur le déclic, quand [il est] à l’unisson avec ce [qu’il] voit ». Reporter pendant 20 ans à Paris Match, il n’abandonne pas pour autant son introspection personnelle, retranscrite sur négatifs. Contrairement à un Robert Capa, recherchant la plus proche image du réel, l’objectivité de l’objectif, il laisse pudiquement s’imprimer sur la pellicule sa vulnérabilité. Mitraillant à contre-courant, ce passionné de peinture préfère une réinterprétation allégorique de « Sa » réalité au témoignage fidèle. En dehors des standards, à contrechamp, il immortalise non pas l’essentiel mais l’essence d’un instant, son aspérité.

Parfois, rêve rime avec poésie. Au cauchemar de la guerre succède le « Paris des Poètes ». Prévert le surnomme « le colporteur d’images ». Ami des artistes, Izis leur tire le portrait : Aragon, Eluard ou encore Breton. Comme un pied de nez aux souvenirs douloureux, ses clichés sont empreints de tendresse et lyrisme, qu’ils aient pour sujets d’étude enfants, ouvriers, clochards ou amoureux.

D’autres destinations suivront, notamment Londres et Israël. C’est le viseur d’un homme, immigré d’origine juive, en quête d’une identité à réinventer, qui se pose sur la Terre Sainte. De ce voyage originel naît une série d’images comme autant d’illustrations d’histoires bibliques.

Souvent, le rêve côtoie l’éternel. De son ami, Willy Ronis disait « la photo d’Izis a sa propre musique, simple, harmonieuse et délicate, qui cache sous ses airs populaires l’intranquillité de quelques notes de requiem. ». Tels ses portraits d’animaux du zoo, mi morts mi vifs, encagés dans la prison d’un univers destiné à faire rêver les hommes. Izis nous invite aussi à redécouvrir le cirque et son imaginaire, comme une métaphore de l’ironie de la vie.

Eternelle, infinie, son œuvre d’une inépuisable originalité est également d’une étonnante modernité. Une œuvre multiple, divisée ici en 9 chapitres, de la « Naissance d’un artiste » en 1944 avec les portraits sans artifices des résistants, au Monde de Chagall en 1969, lui qui fut le seul journaliste accepté par le peintre ; en passant par le « Tout-Paris ». L’exposition nous emmène, à travers ces quelques 270 clichés, au cœur d’un univers sensible, mélancolique, élégant et sans âge comme le Paris des films en noir et blanc, des « Enfants du Paradis » et de la môme Arletty. Un Paris immortel, mystérieux. Le visiteur se laisse balancer par la poésie discrète de l’artiste, comme ces deux femmes dans la nacelle d’une fête foraine.

*Après des études d’Economie internationale et de Journalisme à Dauphine, Géraldine Piriou fait ses premiers pas en publicité, dans l’univers féminin du Prêt-à-porter. En 2008, elle change de direction : cap sur l’Inde. A son retour, elle cible le journalisme. En radio tout d’abord, puis en web et presse écrite, et notamment pour le Nouvel Economiste. Suivront ensuite la télé avec la chaîne d’information i>TELE, et enfin le reportage.

samedi 30 janvier 2010

La tour de Babel, entre mythe et réalité. (II)

Par Maximilien Lormier

Comment l’Etemenanki est devenu la tour de Babel.

Beaucoup de passages de la Bible ont été écrits à Babylone. Soucieux de ne pas perdre leur fondement idéologique, religieux et culturel, les juifs lettrés ont rassemblé ce qui se transmettait le plus souvent par voix orale pour le retranscrire, à l’image des civilisations mésopotamiennes qui, depuis Sumer, compilaient par écrit et archivaient toutes sortes d’œuvres ou de traités (scientifiques et judiciaires). Les écritures de certains passages, comme ceux du Déluge et la loi du talion (œil pour œil, dent pour dent), sont imprégnées de mythes et de faits historiques mésopotamiens. Ainsi on peut donc dire que Babylone et ses mythes ont servi de modèles littéraires aux écrits de l’Ancien Testament.


Une fois entrées dans Babylone, les populations juives déportées ont été, comme bien d’autres, impressionnées par cette tour cultuelle qui s’élevait majestueusement et tutoyait le ciel. Tout en haut de la ziggurat se trouvait un temple haut, bâti en briques émaillées de bleu, qui scintillaient en reflétant la lumière du soleil, omniprésent dans cette région du globe.


Mais Babylone était aussi et avant tout la capitale d’un grand empire aux dimensions gigantesques. La ville grouillait d’activités et de bruits. Ainsi, se mêlaient voyageurs, marchands et prisonniers qui venaient de tout l’empire et des royaumes voisins. Babylone était le centre où se rencontraient toutes les cultures antiques. L’idée de mélange du langage que l’on retrouve dans l’épisode biblique a pris racine aux pieds de cette tour ziggurat, qui voyait une explosion culturelle et linguistique au cœur de la métropole de Nabuchodonosor II.


Il faut voir dans l’étymologie du nom de la cité de Babylone l’idée de recherche, qu’avaient les babyloniens et plus généralement les civilisations mésopotamiennes, pour atteindre leurs dieux. Le nom de Babylone vient de l’akkadien Bab-ilim qui, lui même, vient du sumérien Kà-dingir-ra et signifient tous deux « Porte du Dieu ». Babylone, telle qu’on l’a nomme aujourd’hui encore, nous provient du grec qui avait traduit le nom akkadien en Babylon. Le nom de Babel, lui, ne vient pas du nom de la cité, mais provient de l’hébreu bâlal qui signifie « confondre », « brouiller ». La tour de Babel symbolisait selon la Bible la vanité et l’arrogance du premier héros Nemrod ainsi que celle des hommes dans son ensemble. Avant la construction de la tour, les hommes parlaient tous la même langue, la même que celle que Dieu avait utilisé pour s’adresser à Adam et Eve. La tour avait pour but insolent pour le texte sacré, à l’instar de la ziggurat, d’atteindre les cieux et ainsi de s’affirmer à l’égal de Dieu lui-même. Nous connaissons tous la fin de cet épisode où Dieu confondit les langues pour mettre fin à leur entreprise démesurée en répandant les hommes sur la terre. Aussi, comme le dit pratiquement en ces termes le texte biblique, on appela cette tour Babel (Bâlal) car c’était là que Dieu confondit les langues.


Le mélange des langues : une invention mésopotamienne ?

Comme nous le disions, bien des récits mésopotamiens se retrouvent dans le texte biblique. La grande particularité des grandes civilisations du Tigre et de l’Euphrate a été de compiler très tôt, par écrit, dans des bibliothèques, les récits et les mythes qui remontaient, pour la plupart, aux temps où les hommes de cette région se transmettaient leur histoire par oral. Transcrites sur des tablettes d’argiles à l’aide des écritures dîtes cunéiformes, ces histoires se sont conservées, et depuis les premières fouilles jusqu’à nos jours, les archéologues en ont dégagé des centaines de milliers. Bien que nous soyons en mesure de les traduire, beaucoup restent encore cachées dans les sols archéologiques et dans les réserves des musées du monde entier. Certaines de ces tablettes sont plus ou moins bien conservées, et il est fréquent qu’il ne subsiste que des fragments de texte à déchiffrer.


Ainsi les épigraphistes ont-ils eu la surprise de découvrir un texte où il fait mention du dieu Enki, dieu qui façonna l’image de l’homme puis le créa, dispersant, de manière tout à fait analogue à Yahvé, les hommes sur la terre. Enki voulut ainsi briser la recherche de démesures de l’humanité qui courait irrémédiablement vers une nouvelle perte, Enlil, le dieu des dieux chez les sumériens, pouvant à tout moment décider de la destruction des hommes : « Enki modifia les langues dans leurs bouches. Jusqu’à ce qu’il les y eût placées (les langues étrangères), la langue de l’humanité était une. » .


Qu’en déduire ?

Si la tour de Babel n’est pas la tour ziggurat du dieu Marduk étymologiquement parlant, celle-ci l’est véritablement par l’idée - inconcevable pour les juifs - que l’édifice avait pour fonction d’atteindre le monde divin. La ziggurat de Marduk était le centre de toutes les attentions et charmait les voyageurs de toutes cultures. A Babylone, et plus particulièrement autour de ce centre religieux qui gérait des offices religieux, artisanaux et commerciaux, les juifs ont été marqués par cette multitude de cultures et de langues qui convergeait, telle un seul être, vers ce sanctuaire sacré où on s’enquérait de la bienveillance de Marduk. Certains juifs ont pu également retrouver en la toute puissance de ce dieu et dans ce monothéisme latent l’image de Yahvé. Enfin, c’est également à Babylone que l’écriture de la Bible a pris un tournant décisif : les lettrés juifs imprégnés de culture mésopotamienne écrivirent le texte saint en empruntant des mythes et des coutumes babyloniennes, tout en les adaptant à leur propre perception de leur religion et de leur culture.


Sources bibliques.

Tout le monde se servait d’une même langue et des mêmes mots. Comme les hommes se déplaçaient à l’Orient, ils trouvèrent une plaine au pays de Shinéar et ils s’y établirent. Ils se dirent l’un à l’autre : « Allons ! faisons des briques et cuisons-les au feu ! ». La brique leur servit de pierre et le bitume leur servit de mortier. Ils dirent : Allons ! bâtissons-nous une ville et une tour dont le sommet pénètre les cieux ! Faisons-nous un nom et ne soyons pas tous dispersés sur toute la terre ! ».

Or Yahvé descendit pour voir la ville et la tour que les hommes avaient bâties. Et Yahvé dit : « Voici que tous font un seul peuple et parle une seule langue, et tel est le début de leurs entreprises ! Maintenant, aucun dessein ne sera irréalisable pour eux. Allons ! Descendons ! Et là, confondons leur langage pour qu’ils ne s’entendent plus les uns les autres. » Yahvé les dispersa de là sur toute la face de la terre et ils cessèrent de bâtir la ville. Aussi la nomma-t-on Babel, car c’est là que Yahvé confondit le langage de tous les habitants de la terre et c’est de là qu’il les dispersa sur toute la face de la terre.

Genèse, XI, 1-9


Lexique :

Ancien Testament : Rassemble tous les écrits bibliques antérieurs à la vie de Jésus.

Enki : Enki était un dieu sumérien, frère d’Enlil et dieu des eaux douces, créateur de l’humanité qu’il façonna d’argile et de sang. Il ne manquait pas de courage et de pitié, allant plusieurs fois aider sa création menacée d’extermination. Son culte se trouvait à Eridu qui reçut, la première, la royauté et la civilisation.

Enlil : Dieu tutélaire de la religion sumérienne au IIIe millénaire avant d’être remplacé par Marduk. Son culte se déroulait à Nippur, capitale religieuse importante de Mésopotamie. Investigateur des grandes catastrophes qui s’abattirent sur les hommes comme le fameux déluge.

Genèse : Le Livre de la Genèse (en grec : « naissance », « commencement », « source », « origine », « cause ») est le premier livre de la Torah (Pentateuque), donc du Tanakh (la Bible hébraïque) et de la Bible chrétienne. La Genèse raconte l’histoire des fondements de l’humanité sur terre par Dieu et l’histoire du peuple hébreux jusqu’en Egypte.

Hammurabi : Vers 1792-1750 av. notre ère. Premier grand roi de Babylone, qui grâce à ses conquêtes, fit de Babylone la plus puissante cité de la Mésopotamie. Reconnu pour son intelligence tactique et diplomatique, il est le créateur du fameux code qui porte son nom, exposé aujourd’hui au Louvre.

Hérodote : Vers 485-425. Historien grec, surnommé « le père de l’Histoire » par Cicéron. Voyageur, il parcourut les empires et s’intéressa aux sociétés et à leurs histoires qu’il compila dans son ouvrage Historiai (Enquête).

Kish : Cité de Mésopotamie centrale qui fut une grande capitale politique et militaire du IIIe millénaire. Soumettre et posséder Kish, signifiait avoir le pouvoir sur la région de l’ancien pays de Sumer. Elle fut aussi le lieu de naissance du grand Sargon d’Akkad, fondateur du premier empire au monde connu.

Marduk : Dieu poliade de Babylone, qui devint le dieu principal du panthéon mésopotamien à partir du IIe millénaire et dont le temple était l’Esagil (« temple au sommet élevé »).

Mithra : Dieu indo-iranien. Son culte naquit au début du IIe millénaire, franchit les montagnes du Zagros puis la Méditerranée pour s’imposer à Rome comme un culte concurrent du christianisme aux IIIe et IVe siècles de notre ère. Culte basé sur des rites initiatiques secrets et oraux, il ne reste rien d’écrit, mais une assez abondante iconographie.

Nabopolassar : Vers 625–605. Fondateur du nouvel empire babylonien (néo-babylonien) à la fin du VIIe siècle av. notre ère. Il mit fin à l’empire Assyrien en s’emparant de Ninive en 612.

Nabuchodonosor II : Roi de Babylone, il succède à son père Nabopolassar. Souverain à la fois éclairé et guerrier, il se distingua en aménageant de grands travaux à Babylone (murailles, sanctuaires, temples) et constitua un immense empire comprenant la Mésopotamie jusqu’au Levant. La prise de Jérusalem et la destruction du temple de Yahvé firent passer le roi de Babylone à la postérité à travers les échos qu’en a fait la Bible.

Zoroastrisme : Fondé par Zarathoustra au Ier millénaire av. notre ère, religion basée sur le culte du dieu Ahura Mazda, qui sera notamment le protecteur de la dynastie des Perses Achéménides.