mercredi 13 janvier 2010

Exploratrices

par Liesel Schiffer.
Elles ont pour prénoms Ida, Fanny, Alexandra, Karen, Emily, Rosita ou Margaret, sont européennes ou américaines, d’origines souvent privilégiées mais surtout mordues par le goût du voyage et celui aussi de l’aventure : géographique, archéologique, ethnologique, entomologique, amoureuse, parfois l’ensemble ! Toutes se distinguent par un caractère bien trempé, au temps des crinolines de la reine Victoria et même plus tard celui des chapeaux cloche des Années Folles où il ne faisait pourtant pas bon être une femme indépendante, toquée de liberté de mouvement, de liberté tout court… Même si la plupart restent pétries des principes colonialistes partagés par la majorité de leurs contemporains, chacune d’entre elles manifeste une réelle curiosité pour l’ailleurs, un goût pour les paysages différents, une empathie pour les autres cultures et les peuples dits “indigènes”, vus du monde “développé”…

Il y a Daisy Bates, orpheline irlandaise échouée mystérieusement en Australie qui s’invente un passé aristocratique et trouve sa place au milieu des Aborigènes pour qui elle joue les infirmières, les formatrices, les anthropologues et même les juges de paix. Et aussi les célèbres Alexandra David-Neel en quête de spiritualité et de notoriété dans un Tibet de légende ou Isabelle Eberhardt qui finit par se perdre dans le sud algérien à force de naviguer entre la drague dans les souks de la ville arabe, l’extase mystique soufie ou celle, moins prestigieuse, de l’alcool à haute dose, au point de négliger ses talents de plume. Sans oublier Gertrude Bell, l’Anglaise amie des tribus bédouines, du colonel Lawrence et du roi Fayçal d’Irak, l’Antillaise Mary Seacole qui découvre ses talents d’infirmière lors de la guerre de Crimée, la Britannique et pince-sans-rire Mary Kingsley qui se moque d’elle-même quand elle amuse les villageois l’observant traverser en pirogue les périlleux rapides de l’Ogooué au Gabon. Ou encore Emily Hahn, une Américaine qui n’a pas froid aux yeux puisque dans les années 1930, elle devient la concubine du poète chinois Sinmay Zau réfugié au Japon; avec lui, elle goûte au plaisir dangereux de l’opium… Malgré leur allure de “Mary Poppins”, on se prend à rêver suivre ces trente et une aventurières d’autrefois à travers tout le globe, avec pour devise, celle de l’une d’entre elles, Freya Stark, passionnée du Moyen-Orient : “Le vrai vagabond, celui dont les voyages sont faits de bonheur, ne voyage pas pour fuir mais pour chercher.

Elles ont conquis le monde, les grandes aventurières 1850-1950. Alexandra Lapierre, Christel Mouchard, Arthaud, collection “les Classiques illustrés”, Paris, 2007.

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